Prison pour l'ex-directeur d'AZF, qui ira en cassation


25/09/2012 | 897 mots | ENERGIE RECRUTE | PÉTROLE, GAZ, CHARBON
Prison pour l'ex-directeur d'AZF, qui ira en cassation © © REUTERS/Stringer France

TOULOUSE, 24 septembre (Reuters) - La justice française a estimé lundi que l'ancien directeur de l'usine AZF et la société Grande Paroisse étaient pénalement responsables de l'explosion qui a endeuillé Toulouse en septembre 2001, mais ce feuilleton judiciaire se prolongera en cassation.

La déflagration, pire catastrophe industrielle française depuis la Seconde Guerre mondiale, avait fait 31 morts, plusieurs milliers de blessés et de sinistrés et des milliards d'euros de dégâts.

Contredisant la relaxe prononcée en première instance, la cour d'appel de Toulouse a condamné lundi Serge Biechlin, ex-directeur de l'usine AZF, à trois ans de prison dont deux avec sursis pour homicides et blessures involontaires. Grande Paroisse, filiale de Total et propriétaire de l'usine, a été condamnée à 225.000 euros d'amende.

Cette décision implique le versement par Grande Paroisse d'indemnités, dont, pour les plus importantes, un million d'euros à l'association de victimes Familles Endeuillées, 520.000 euros pour l'association des Sinistrés du 21-Septembre ou encore 260.000 euros pour le Comité de défense des victimes d'AZF.

La cour a toutefois mis hors de cause le groupe pétrolier et son ancien PDG Thierry Desmarest, rejetant les demandes de citation directe à comparaître.

"La cour déclare Serge Biechlin et la société Grande Paroisse coupables d'avoir par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou en commettant une faute caractérisée (...), involontairement causé la mort" des victimes, a déclaré le président de la cour, Bernard Brunet.

Serge Biechlin a été en outre condamné à 45.000 euros d'amende, soit au-delà des réquisitions formulées en mars par l'accusation qui avait demandé 18 mois de prison et 15.000 euros d'amende. L'ex-responsable effectuera la partie ferme de sa peine, soit un an de prison, sous le régime de la semi-liberté.

"JUSQU'À LA COUR DE STRASBOURG"

L'avocat des prévenus, Me Daniel Soulez-Larivière, a aussitôt annoncé un pourvoi en cassation, suspensif de l'application des peines prononcées.

"C'est une affaire qui ne fait que commencer", a-t-il dit, annonçant ne pas exclure de saisir ensuite la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de Strasbourg, voire de soulever une question prioritaire de constitutionnalité.

"Le dossier n'a pas changé malgré l'arrêt (de la cour d'appel) et il n'y a rien dedans. Par conséquent on fera le pourvoi, on le nourrira et on ira jusqu'à la cour de Strasbourg si c'est nécessaire."

Retenant, pour expliquer l'explosion, le scénario d'une mise en contact accidentelle de produits chimiques, la cour d'appel a dressé une liste de "dysfonctionnements", notamment l'absence de formation des entreprises sous-traitantes chargées de la manipulation des produits toxiques.

"En commettant une pluralité de fautes caractérisées et graves, M. Biechlin, qui connaissait parfaitement la caractéristique des produits chimiques et des risques encourus, a directement créé ou contribué à créer la situation (...) et n'a pas pris les mesures pour l'éviter", a dit Bernard Brunet.

"En conséquence de quoi il est jugé pénalement responsable."

Cet arrêt intervient trois jours après la commémoration du 11e anniversaire d'un désastre qui a fait, outre 31 morts, quelque 20.800 blessés selon des documents judiciaires officiels.

"LA VICTOIRE DE LA VÉRITÉ"

Selon l'explication avancée par les experts judiciaires et retenue par la cour, la catastrophe est due au stockage imprudent dans le même hangar de matières chlorées et nitratées, explosives lorsqu'elles sont combinées.

En première instance, en novembre 2009, le tribunal correctionnel de Toulouse avait jugé cette hypothèse trop fragile et relaxé les prévenus, relevant toutefois des "manquements graves" dans la gestion de l'usine.

De son côté, la défense a allégué tout au long du procès en appel que la piste criminelle n'avait pas été suffisamment explorée (voir ) et s'est même appuyée pendant l'été sur l'affaire Merah pour tenter de relancer l'hypothèse d'un acte intentionnel.

"On ne peut être que satisfait", a déclaré Gérard Ratier, président de l'association de victimes Familles Endeuillées, dont le fils est mort dans la catastrophe.

"Ça va permettre au moins d'évacuer de l'esprit du grand public la thèse de l'attentat. Que cette thèse, avec des supports rocambolesques, qui a été développée par la défense de Total pendant plusieurs années, soit évacuée des esprits, ce n'est pas malheureux. Ce n'est pas souvent qu'un industriel est condamné", a-t-il ajouté, parlant de "grande victoire".

Son avocate, Stella Bisseuil, a dit qu'elle s'attendait à la décision des prévenus de se pourvoir en cassation.

"C'est sans surprise. Actuellement la stratégie de Total est une stratégie de déni en permanence (...) Si ce procès a été aussi compliqué, c'est aussi dû à la stratégie de Total, cette façon d'utiliser les fausses pistes, les rumeurs."

Pour le maire de Toulouse, Pierre Cohen, l'arrêt de la cour d'appel est "la victoire de la vérité".

"Cette fois-ci on a quand même un coupable donc j'espère que ça va ouvrir une nouvelle page. Evidemment, il ne faut jamais oublier, mais panser les plaies et faire que l'espoir prenne le pas sur la souffrance", a déclaré l'élu à la presse.

La municipalité était partie civile dans le procès. (Edité par Patrick Vignal et Gilles Trequesser)


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