Au Honduras, des indigènes campent pour protéger leur fleuve

AFP

15/03/2018 | 795 mots | ENERGIE RECRUTE | ENVIRONNEMENT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

Ce fleuve est leur unique source d'eau, mais il est menacé: depuis deux mois au Honduras, des dizaines d'indigènes Lenca campent sur le chantier d'une centrale hydroélectrique, perçue comme une menace dans cette région affectée par la sècheresse.

"Si on leur laisse nous prendre ce fleuve, on signe l'arrêt de mort" des 33.000 habitants des dix villages alentours, assure à l'AFP Andonie Ruiz, l'un de ceux qui montent la garde devant le campement de fortune.

C'est dans un combat similaire que la militante écologiste indigène Berta Caceres avait été assassinée en 2016, après avoir lutté pendant des mois contre la construction d'une centrale sur un fleuve de l'ouest du pays.

Son meurtre, pour lequel neuf suspects ont été arrêtés, dont cinq liés à l'entreprise construisant la centrale, avait reçu un écho international.

Andonie veut lui aussi défendre son fleuve, pour une raison vitale: "Nous sommes dans le Corridor sec, ici il ne pleut que quatre mois dans l'année", ajoute-t-il. Le Corridor sec désigne une bande de terre dédaignée par la pluie qui traverse le Guatemala, le Honduras et le Nicaragua le long de leur côte Pacifique.

Depuis le 15 janvier et par petits groupes de 20 à 30 personnes, enfants compris, les habitants se relaient jour et nuit pour occuper le site.

Leur mot d'ordre ? "Progelsa, dehors!", en référence à l'entreprise dirigeant le chantier, Promotora de Generacion de Energia Limpia (Progelsa), qui a démarré les travaux il y a deux ans.

Se protégeant du soleil écrasant avec des planches en bois et des tentes, ils ont installé leur campement sous un chêne qui a perdu ses feuilles, dans le chemin d'accès poussiéreux à la future centrale et au village de Reitoca, perdu entre les montages arides à 60 kilomètres au sud de la capitale, Tegucigalpa.

- Chantier paralysé -

"Nous allons lutter pacifiquement avec beaucoup de courage, beaucoup d'énergie" contre ce chantier, affirme Magdaleno Flores, un des indigènes.

Leur détermination semble finalement payer: selon Ramon Carcamo, chef des équipes d'ouvriers de Sermaco, l'entreprise mandatée par Progelsa pour effectuer les travaux, a dû arrêter la construction des parois du réservoir, qui atteignaient déjà 20 mètres sur les 50 prévus.

"On s'en va et on ne revient plus", assure-t-il à l'AFP, au volant de son véhicule tout terrain face au campement. Le sous-traitant a commencé il y a quelques jours à retirer ses équipements et machines, après avoir fait travailler environ 400 ouvriers pendant deux ans.

Progelsa, de son côté, ne semble pas avoir dit son dernier mot. Le 31 janvier, l'entreprise a accusé les habitants occupant le site d'avoir commis "des actes de vandalisme" sur le chantier, déjà avancé à 70%.

Le fleuve commence à porter les stigmates de la construction, défiguré par des tunnels de béton et l'installation d'une partie des salles de machines des deux turbines d'une capacité de 7,5 mégawatts heure chacune.

Un effondrement de pierres lors des travaux a bouché le courant sur une centaine de mètres, inquiétant les habitants qui redoutent de perdre leur unique source d'eau pour leur consommation, leurs animaux et leurs cultures.

Ils craignent aussi d'être délogés par la force et avec violence par l'armée et la police.

Mais ils sont sûrs de leur bon droit: "Nous avons des documents (de propriété) datant de 1735 et nous sommes couverts par la Convention 169 de l'OIT", souligne Andonie Ruiz, en référence à la norme de l'Organisation internationale du travail qui oblige à effectuer une consultation préalable avant tout chantier sur des territoires appartenant aux populations autochtones.

La mère de Berta Caceres, Austra Berta Flores, est loin d'être aussi optimiste: elle souligne que le gouvernement du Honduras a déjà accordé 49 permis de constructions pour des barrages et des sites miniers dans différentes zones indigènes du pays.


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